L'énergie grise est depuis longtemps un sujet de préoccupation dans ce milieu. La première version du cahier technique 2032 de la SIA sur "L'énergie grise des bâtiments" a développé dès 2010 les bases de calcul de l'énergie grise des bâtiments. Les deux grands labels de construction, à savoir, Minergie-Eco et le Standard de Construction Durable Suisse SNBS, ont également intégré ce facteur il y a quelques années. La consommation d'énergie de l'ensemble du secteur de la construction en Suisse est jusqu'à présent dominée par la consommation d'énergies fossiles pour le chauffage et l'eau chaude. La politique s'est donc concentrée en premier lieu sur cet aspect, qui est généré pendant la phase d'utilisation des bâtiments.
Ceci a été couronné de succès : aujourd'hui, les bâtiments neufs ou rénovés avec une production de chaleur sans énergies fossiles n'émettent pratiquement plus de CO₂ après la phase de construction.
La consommation d'énergie primaire non renouvelable et les émissions de gaz à effet de serre associées pour la fabrication des matériaux de construction, des produits de construction et la construction des bâtiments , appelée énergie grise, constituent le dernier poste de consommation d'énergie. Malheureusement cette part reste toujours très importante et nous devrons nous en préoccuper dans les années à venir si nous voulons vraiment atteindre les objectifs de la politique énergétique et climatique.
Le monde politique a désormais pris le relais. Dans le cadre d'une initiative parlementaire visant à renforcer l'économie circulaire en Suisse, le Conseil national a adopté début mai un nouvel article pour la loi sur l'énergie. Le nouvel article demande aux cantons d'édicter des valeurs limites pour l'énergie grise des bâtiments. L'article n'a pas encore été définitivement adopté, mais la Conférence des directeurs de l'énergie a déjà inclus l'énergie grise dans sa stratégie pour les bâtiments 2050+ l'été dernier, la considérant comme l'une des 6 priorités. Le canton de Genève a autorisé le Conseil d'Etat à introduire des valeurs limites dans la loi sur les constructions révisée en 2021.
Des discussions sont également en cours au niveau européen et l'UE examine l'introduction de telles valeurs limites. Les premiers pays, comme la France et le Danemark, ont déjà introduit des valeurs limites pour certaines catégories de bâtiments.
Qu'est-ce que cela signifie donc pour les maîtres d'ouvrage en Suisse ? Pour les architectes et les ingénieurs ? Faut-il un changement de paradigme pour les nouveaux bâtiments ? Les bâtiments existants doivent-ils encore être remplacés par une nouvelle construction de substitution ou leur durée de vie doit-elle être prolongée ? Au-delà du bilan énergétique "brut", qu'est-ce que cela implique sur le plan économique et culturel pour le parc immobilier ?